Emmanuel Gravier, président de la Fédération française des entreprises du génie électrique et énergétique (FFIE), donne les nouvelles orientations de la FFIE dans le cadre du renouvellement pour trois ans de son mandat. L’occasion de commenter les enjeux actuels et futurs pour les électriciens.
Quelles sont les nouvelles orientations de la FFIE ?
« Les nouveaux objectifs de mon mandat, qui commence aujourd’hui, sont principalement liés à l’évolution technologique autour de notre métier. Tout ce qui prévalait avant est toujours valable : la défense de nos valeurs ajoutées, de nos marges, du chiffre d’affaires… Mais il y a une évolution technologique telle, qu’il faut en tenir compte. Par exemple, le bâtiment connecté va être une préoccupation majeure, comme l’intelligence artificielle, le stockage de l’énergie, le développement encore plus intense de tout ce qui est photovoltaïque et bornes de recharge de véhicules électriques…
L’évolution des technologies, surtout télécoms et courants faibles, vont nécessiter des formations supplémentaires
Il n’y a pas de rupture, puisque depuis trois ans il y avait déjà ces évolutions technologiques. Simplement une accélération : nous allons intensifier nos actions sur la défense de nos professions dans cette évolution technologique. Ce qui passe à la fois par la défense de nos territoires, puisque nous sommes implantés sur tous les départements français et toutes les régions, ainsi que par la présence dans le monde politique, décisionnaire et normatif, ou encore par l’approfondissement des relations avec les fournisseurs et distributeurs. Il faut qu’on puisse saisir toutes les opportunités pour nos adhérents électriciens. L’aspect technique va donc de nouveau être à l’honneur dans tous les sujets que nous traitons à la FFIE.
Il y a une intensification aussi de nos actions de formation et de veille sur les référentiels de tous les diplômes des professionnels qui nous rejoignent. Nous avons évidemment un enjeu de ressources humaines essentiel pour les années à venir chez nos adhérents. Ça passe par le travail sur la formation initiale, l’apprentissage et sur la promotion de la formation professionnelle. L’évolution des technologies, surtout télécoms et courants faibles, vont nécessiter des formations supplémentaires pour tous les compagnons traditionnels.
Le business est un peu freiné par le manque de personnel qualifié
Il y a vraiment une présence dans tout l’écosystème de formations initiales et professionnelles de la part de la FFIE pour que l’on ait vraiment une préparation de l’avenir, notamment sur la question de la ressource humaine qui est fondamentale. Car aujourd’hui le business tient encore mais est un peu freiné par le manque de personnel qualifié que nous pouvons trouver, notamment sur les secteurs du dessin, des méthodes, du chiffrage et également des chefs de chantier. »
Peut-on parler de nouveaux métiers ?
Il va falloir que nous ayons de nouvelles compétences, sinon d’autres vont venir les prendre
« Tous nos métiers évoluent, en même temps qu’il y a de nouveaux entrants sur les métiers habituellement dévolus aux électriciens. De fait, il y a une concurrence qui fait, qu’effectivement, il y a des nouveaux métiers et des nouveaux entrants dans ces nouveaux métiers. L’électricien reste quand même au coeur de tout ce qui va se passer demain. Il faut cependant qu’il s’adapte car sinon il va y avoir des entrants sur une évolution à la marge très très forte de nos métiers. Je pense par exemple aux aspects d’informatique, de télécoms, d’hyper vision. Que ce soit dans le milieu industriel ou dans le milieu de la gestion technique du bâtiment, il va falloir que nous ayons de nouvelles compétences parce que sinon d’autres vont venir nous les prendre.
Nous allons vers une évolution du métier d’installateur électricien vers l’intégration de systèmes. Ce qui nécessite des gens qui sachent à la fois traiter des problèmes d’énergie, des problèmes de data, des problèmes de traitement de la data, des enjeux de transport avec fibre optique ou cuivre traditionnel… La data prend évidemment une importance colossale.
Il ne s’agit plus uniquement de transporter de l’énergie, comme cela a longtemps été le cas. Ce n’est plus, non plus, uniquement de transporter de la data. Il faut une intégration de tous ces domaines qui fait que, avec la rapidité actuelle du traitement de l’information, l’électricien doit aussi évoluer vite vers le traitement des données et la supervision de tous ces secteurs la fois énergétiques et de transport numérique.
Il s’agit vraiment de supervision, quasiment d’hyper-vision. Le secteur du bâtiment intelligent, le bâtiment responsable, est en pleine évolution. C’est à dire qu’il va produire sa propre énergie, la stocker et développer les conforts tout en assurant la sécurité des biens et des personnes. Nous n’avons encore rien vu sur le bâtiment par rapport à ce qui est possible. Les constructeurs sont déjà pas mal en avance sur le sujet des objets connectés. L’intelligence artificielle, qui arrivera d’ici quelques années, va aussi apporter de nombreuses évolutions sur la gestion technique du bâtiment. »
Une nouvelle crise du secteur est-elle à prévoir ?
« Au sein de la FFIE, nous sommes très prudents sur ce qui peut se passer dans les mois qui viennent. Car toutes les études montrent que – a priori – il peut y avoir un petit ralentissement. Cela étant, le boom business qui vient d’être vécu par tous nos adhérents n’a pas non plus été extraordinaire. Nous pensons que le creux potentiel des années 2020-2021 pourra être aussi limité.
Donc nous sommes très optimistes parce qu’il y a cette évolution technologique et toute cette révolution de l’usage qui fait qu’il y a vraiment de quoi faire pour nos métiers. Maintenant, qu’il y ait un ralentissement sur le plan du bâtiment, c’est déjà acté dans les statistiques des mises en chantier de logements ou des autorisations de mises en chantier. Et on sait très bien qu’il va y avoir une baisse en 2019 par rapport à 2018 du nombre de logements construits. Pour les électriciens, cela va avoir un impact aussi. Donc prudence sur les recrutements et sur les investissements. Mais c’est un peu le monde d’aujourd’hui, il faut être prudent même si les tendances sont quand même plutôt favorables pour nos métiers. »