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La (très) difficile mise en mouvement des copropriétés


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La loi Grenelle II du 12 juillet 2010 a pourtant bien essayé de faciliter la prise de décision : elle a réduit le niveau de majorité nécessaire pour le vote de tous les travaux d’économies d’énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui ne relèvent pas de l’entretien : au lieu de la double majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix, ils peuvent être décidés à la majorité des voix de tous les copropriétaires, avec possibilité lorsque le projet a recueilli au moins le tiers des voix de procéder à un second vote à la majorité des voix exprimées des présents et représentés. De cette même manière peuvent être votés des «travaux d’intérêt collectif réalisés sur les parties privatives et aux frais du copropriétaire du lot concerné, sauf dans le cas où ce dernier est en mesure de produire la preuve de la réalisation de travaux équivalents dans les dix années précédentes». Sont ainsi rendus notamment possibles des remplacements collectifs de l’ensemble des fenêtres de l’immeuble sans que la copropriété soit tributaire du bon vouloir de chaque copropriétaire individuellement…

Est-ce suffisant ? Evidemment non, car l’obstacle suivant est la question « par où commencer ? ». Là encore, le législateur y a pourvu en rendant obligatoire, au moins dans les copropriétés dotées d’un chauffage collectif, la réalisation avant le 31 décembre 2016 d’un diagnostic de performance énergétique ou, pour celles comptant 50 lots ou plus (caves et parkings inclus) d’un audit énergétique, et la proposition à l’assemblée qui suit cette réalisation (délai très court s’il en est) d’un « plan de travaux d’économies d’énergie » ou d’un contrat de performance énergétique (ou CPE). Dans le décret d’application, l’audit énergétique devra prendre en compte tous les aspects de l’état de l’immeuble, et pas seulement l’aspect énergétique, ainsi que les besoins, les priorités et les moyens des copropriétaires et des résidants.

Cette mise au pied du mur, et d’une certaine manière cette injonction d’étudier l’ensemble des besoins de rénovation de l’immeuble avant d’agir, est-elle de nature à débloquer la situation ? Là encore la réponse est négative, pour au moins deux raisons.

La première est que les copropriétés risquent, au vu d’offres plus concurrentielles les unes que les autres, de s’affranchir d’une obligation mal comprise par des diagnostics et audits a minima, dont le résultat sera au mieux rangé dans un tiroir sans conduire à des travaux appropriés. Pour ceux, plus motivés, qui veulent prendre le sujet au sérieux, la question qui se pose est à qui s’adresser ? Comment faire le tri entre le bon grain des bureaux d’études sérieux et qualifiés, et l’ivraie ! Comment aussi faire en sorte que ceux qui seront chargés de l’audit ne se découragent devant la difficulté de recueillir les données préalables nécessaires sur l’immeuble, puis à l’indifférence plus ou moins hostile des copropriétaires peu réceptifs à l’exposé des scénarios de rénovation que l’audit doit proposer ?

L’association Planète Copropriété, issue du « Chantier Copropriété » du Plan Bâtiment Grenelle (rebaptisé Plan Bâtiment durable), et dont l’objet est de favoriser par tous moyens la mise en mouvement des copropriétés vers une rénovation énergétique à la fois ambitieuse et réussie, a mis au point deux outils méthodologiques destinés aux conseils syndicaux des copropriétés qui se posent la question de l’état de leurs immeubles et qui veulent aborder leur rénovation énergétique sans trop savoir comment s’y prendre : le Bilan initial de copropriété (BIC), et l’ « Audit global partagé ». La mise au point de ces outils a été motivée par la constatation qu’un grand nombre de copropriétés restent bloquées quand il s’agit d’envisager les gros travaux en général et ceux de l’amélioration de leur performance énergétique en particulier. Et ce parce qu’elles cumulent plusieurs handicaps : le manque de compétence, le manque de cohésion et d’intérêts communs entre copropriétaires, le manque d’argent, et la méfiance à l’égard de tous les professionnels : le syndic, les architectes, les bureaux d’études, etc.

Le BIC est un outil d’autoévaluation qui permet à un conseil syndical, aidé s’il y a lieu par son syndic, de se prendre en mains, faire le point des problèmes de sa copropriété (état de l’immeuble, situation financière, qualité de la gouvernance), et collecter les informations nécessaires à l’audit préalable à toute décision de travaux ultérieurs. C’est un outil fédérateur et « dynamiseur » permettant d’instaurer le climat de confiance nécessaire au passage à l’acte. Il doit aussi aider les éventuels accompagnateurs de la copropriété – espaces Info énergie (EIE), agences locales de l’énergie (ALE), associations Pact, etc. – à mieux la comprendre et à la conseiller plus utilement.

L’ « Audit global partagé » est une méthodologie de mise en oeuvre d’un audit global de l’immeuble, associant le plus possible de copropriétaires et bien entendu le conseil syndical. Il résulte du constat que sans cette implication, les copropriétés ne s’approprient pas les conclusions des audits et ceux-ci restent lettre morte. L’association Planète copropriété qui l’a mis au point, développe aussi le cahier des charges à proposer aux auditeurs, et a entrepris de labelliser et former des « trinômes » architectes-bureaux d’études thermiques et planificateurs financier – le meilleur « mix » de compétences pour cette mission – à proposer aux copropriétés qui ne savent pas a priori à qui s’adresser…

Mais il est une seconde raison à l’apathie qui frappe actuellement les copropriétés, la même que celle qui bloque le passage à l’acte des propriétaires de maisons individuelles éligibles aux aides du programme « Habiter mieux » ou à l’éco-prêt à taux zéro : des économies attendues à la fois insuffisantes eu égard à l’investissement nécessaire, impliquant des temps de retour trop longs par rapport à l’horizon de détention du bien pour les copropriétaire jeunes, ou à l’espérance de vie pour les copropriétaires âgés, et trop incertaines, compte tenu des facteurs susceptibles de les rogner : économies réelles inférieures à ce qu’elles étaient censées être sur le papier, « effet rebond » (comportement des résidants qui voyant le coût du chauffage baisser poussent sur la consommation afin d’améliorer leur confort), performances dégradées par une exploitation du chauffage insuffisamment optimisée, coûts de maintenance des nouveaux équipements à installer supérieurs à ce qui est annoncé, etc.

Une part importante du décollage de l’effort de rénovation souhaité dépend donc des professionnels, et de leur capacité à proposer des solutions adaptées, à les expliquer de manière appropriée, et à établir la confiance dans un milieu, l’immobilier, où l’on se méfie des sachants, et de ceux qui se prétendent tels…

Mais ce décollage ne se fera pas sans financements inventifs mieux adaptés au temps de retour des investissements requis et à l’économie dégagée, de manière à apporter dès le départ aux résidants une économie immédiate justifiant le dérangement et la prise de risque. Pourquoi ne pas envisager qu’une partie du remboursement s’effectuerait non pas seulement sur l’économie mais aussi sur la plus-value à la revente apportée par une performance énergétique améliorée, quitte à ce que pour les copropriétaires âgés, il soit prélevé dans le cadre de la succession ? De même pour les bailleurs, une partie du remboursement ne pourrait-il pas être assis sur le surcroît de valeur locative qu’apporte la réduction des charges de chauffage, déjà assuré par la « contribution pour le partage des économies de charges » qui peut être demandée aux locataires en application de la loi « Melle » du 25 mars 2009 ?

A défaut, il ne resterait qu’à espérer une forte hausse des coûts de l’énergie, ou envisager une taxe carbone, l’une ou l’autre ayant pour effet de réduire les temps de retour de l’investissement…

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