1ère Partie – Le DTA et le diagnostic avant-vente
Jusqu’en 1997, date de son interdiction définitive, et surtout durant les années 60/70, l’amiante a été considéré comme un matériau de construction idéal et utilisé à profusion tant dans les constructions nouvelles que lors de travaux de rénovation.
L’inhalation de fibres d’amiante est dangereuse pour la santé, ce que nous savons depuis longtemps.
Le législateur a donc mis en place depuis 1996, dans l’optique d’une politique de santé publique, une règlementation visant à protéger :
- d’une part les acquéreurs, en leur qualité d’occupants des locaux
- d’autre part les ouvriers amenés à manipuler ou à travailler sur des matériaux contenant de l’amiante.
Même depuis sa récente codification, cette réglementation est complexe et difficilement lisible pour les profanes, et parfois même pour les professionnels.
Les experts judiciaires, et plus encore les magistrats, déjà en mal de repères dans les méandres de cette règlementation, voient leurs jugements influencés par le battage médiatique entourant les affaires, voire les scandales, que nous avons connus ces dernières années.
Cela explique les décisions disparates rendues par les juridictions, y et les arrêts parfois contradictoires rendus par la Cour de cassation.
Schématiquement, la réglementation visant à protéger les occupants des locaux a été intégrée au Code de la santé publique, alors que celle destinée à protéger les ouvriers a été intégrée au Code du travail.
Deux grands types de diagnostics existent :
- le diagnostic avant transaction ou destiné à la constitution du dossier technique amiante (DTA),
- le diagnostic avant travaux ou avant démolition.
Il est intéressant de se pencher sur l’évolution de la jurisprudence et sur son état actuel s’agissant des diagnostics avant-vente (et DTA). Nous reviendrons ultérieurement sur la jurisprudence relative aux autres diagnostics.
Les contestations relatives au périmètre du repérage.
La réglementation définit la finalité du diagnostic avant-vente comme suit : « L’objectif du repérage est d’identifier et de localiser les matériaux et produits contenant de l’amiante incorporés dans l’immeuble et susceptibles de libérer des fibres d’amiante en cas d’agression mécanique résultant de l’usage des locaux (chocs et frottements) […] »
En d’autres termes, le contrôle voulu par le législateur obéit à un but précis : prémunir les occupants des locaux contre le risque d’inhalation de poussières d’amiante.
Le texte précise également que :
« L’opérateur de repérage recherche et constate de visu la présence de matériaux et produits, accessibles sans travaux destructifs, qui correspondent à la liste définie en annexe du décret n° 96-97 du 7 février 1996 modifié et qui sont susceptibles de contenir de l’amiante. […] »
L’annexe 13-9 de la partie réglementaire du Code de la santé publique définit précisément le programme de repérage imposé au diagnostiqueur.
Jusqu’en 2013, le programme portait :
- sur les matériaux situés à l’intérieur du bien,
- sur les matériaux visibles et accessibles.
Cette règlementation s’expliquait par le fait que les matériaux situés à l’extérieur (par exemple, les panneaux de façade ou la couverture) ne font courir aucun risque aux occupants : ils ne faisaient donc pas partie du programme de repérage avant transaction.
Il en est de même pour les matériaux qui ne sont ni visibles ni accessibles.
Les décisions judiciaires en matière de responsabilité du diagnostiqueur ont été longtemps très hétéroclites : pour certaines juridictions, l’opérateur de repérage devait s’en tenir strictement à cette liste dite « de l’annexe 13-9 » ; pour d’autres, au titre de son devoir de conseil et d’information, le technicien devait signaler tous les matériaux visibles et accessibles, comme la toiture ou les façades extérieures, même en dehors de son périmètre d’investigation règlementaire.
L’arrêt le plus intéressant sur le plan de la motivation et de la rédaction a été rendu par la Cour d’appel de Chambéry du 11 décembre 2007, qui rappelait que :
« Le périmètre de repérage ne comprend pas la toiture, élément extérieur à l’immeuble qui n’a pas à être visité, et qu’il ne peut être reproché au diagnostiqueur un manquement à son devoir de conseil dans la mesure où il n’était pas chargé d’une mission de repérage avant réalisation de travaux ultérieurs et notamment de réfection de la toiture. »
Depuis, cette jurisprudence s’est peu à peu généralisée, et la Cour de cassation, dans un arrêt du 18 octobre 2011 (pourvoi n° 10-24950) a finalement confirmé que « la toiture ne faisait pas partie des composants à vérifier ».
Après neuf années de bataille, nous avions fini par imposer cette approche des textes par l’ensemble des juridictions.
C’était sans compter sur une nouvelle modification de la règlementation.
Depuis le 1er janvier 2013, date d’entrée en vigueur des nouveaux textes, l’annexe 13-9 précitée a été remplacée par de nouvelles listes de matériaux à inspecter (dites listes A, B et C). La couverture et les matériaux composant les façades extérieures doivent maintenant être diagnostiqués, même lors du repérage avant-vente…
La découverte d’amiante après l’acquisition.
Comme nous l’avons vu, la méthodologie du diagnostic avant-vente suppose un repérage excluant tout sondage destructif.
L’intégrité du bien doit être préservée, celui-ci étant destiné à la vente.
Il en va tout autrement dans le diagnostic avant travaux, le diagnostiqueur ayant la possibilité, et même l’obligation, de réaliser des sondages destructifs et des démontages importants.
Il est donc fréquent, que des matériaux contenant de l’amiante soient repérés lors d’un diagnostic « avant travaux » alors qu’ils n’avaient pas été signalés dans le « diagnostic technique amiante » ou le diagnostic « avant transaction ».
Très souvent, dans ce cas, la responsabilité du diagnostiqueur ayant réalisé le diagnostic avant-vente est recherchée.
Les juridictions sont de plus en plus sensibilisées à cette problématique et rappellent que les deux types de diagnostics ont des finalités totalement différentes.
Dans un jugement très récent (12 novembre 2015), le Tribunal de grande instance de PARIS relève « que l’acquéreur a commis une négligence fautive en ne faisant pas procéder à un diagnostic avant travaux/démolition au moment de l’achat, alors qu’il avait l’intention d’entreprendre de tels travaux, et que cette faute est la cause exclusive du préjudice revendiqué.
L’une des toutes premières décisions rendues dans ce domaine est un jugement du tribunal de VERSAILLES (21 juin 2007), qui précise que « c’est uniquement la décision des acquéreurs de procéder à de gros travaux de démolition qui est à l’origine de leur obligation de désamianter et le surcoût lié à la présence d’amiante était inévitable, quelles que soient les conclusions du diagnostic avant-vente ». Ce jugement a été confirmé par la Cour d’appel le 10 juillet 2008. »
En tout état de cause, quelles que soient les circonstances dans lesquelles les matériaux amiantés ont été découverts, la seule question que doit trancher le tribunal, s’agissant d’une faute éventuelle du diagnostiqueur, est relative au caractère visible et accessible des matériaux litigieux.
La motivation d’un arrêt de la Cour d’Appel de GRENOBLE en date du 30 avril 2012 mérite ici d’être reproduite en ce qu’elle démontre que le diagnostiqueur est tenu de vérifier uniquement les matériaux directement visibles le jour de son intervention :
« Ce n’est donc que s’il avait constaté de visu la présence de matériaux et produits susceptibles de contenir de l’amiante que le diagnostiqueur aurait eu à s’interroger sur leur accessibilité sans travaux destructifs.
Les constatations visuelles effectuées lors de sa visite ne lui ayant pas permis de se douter de la présence de dalles de sol sous la moquette, il n’avait pas à essayer de soulever la dite moquette pour déterminer si elle cachait ou non un autre revêtement.
C’est d’ailleurs à l’occasion de travaux de rénovation entrepris par les nouveaux propriétaires et de la dépose de la moquette effectuée pour ces travaux que la présence de matériaux amiantés a été constatée.
Sa visite systématique des lieux ne lui ayant pas permis de se douter de la présence d’amiante, il ne saurait non plus être reproché à ce contrôleur de ne pas avoir fait procéder à des prélèvements ou des contrôles supplémentaires, de n’avoir pas fait de réserves quant à des éléments auxquels il n’aurait pas eu accès, ou de n’avoir pas averti son client sur la nécessité de faire effectuer des examens complémentaires.
Le diagnostiqueur n’a donc ni commis une quelconque faute dans la réalisation de sa prestation ni failli à son obligation de conseil, et ne saurait de ce fait voir sa responsabilité délictuelle engagée à l’égard de la nouvelle propriétaire de l’appartement. »
La Cour d’appel de Paris a statué dans le même sens, dans un arrêt du 19 mars 2010 (Pourvoi rejeté par la Cour de Cassation le 6 juillet 2011, n° 10-18.882).
La Cour de cassation a, à plusieurs reprises, confirmé ce principe (19 mai 2015, n°14-15.335 ; 26 juin 2013, n°12-13277).
Nous examinerons, dans un prochain billet, l’appréciation de la faute dans les repérages avant travaux et avant démolition.
Jean-Marc PEREZ
Avocat au barreau de Paris